LIONHEART x GET THE SHOT x TERROR

MARDI 12 OCTOBRE 2022. LA MACHINE DU MOULIN ROUGE. PLEIN TARIF : 27.50 EUROS.

Il y a des dates qu’on attend plus que d’autres, alors même qu’on sait pertinemment que les chances d’en sortir en un seul morceau sont proches du néant. Cette tournée par exemple, élaborée comme une ode à la sainte violence, réunissant sous une seule bannière les lumineux coreux de Lionheart, les québécois énervés de Get the Shot et les solides déménageurs de Terror. C’est donc le cœur léger et les chaussures de sécurité renforcées que je fais route en direction de Paris, en compagnie d’Anthony et Gaël, tout aussi prêt à distribuer les baffes à prix d’ami.

Je n’avais aucun doute quant à la qualité des mandales que proposerait Terror, les ayant déjà passés au contrôle qualité de nombreuses fois, mais j’attendais avec une impatience mêlée de doutes la profession de foi de Get the Shot. Seraient-ils à la hauteur de leur solide réputation live ? Y aurait-il plus de stage diver que de bras pour les rattraper ? Aurais-je suffisamment le temps de m’échauffer avant de prendre mes premiers coups dans le museau ?

Parce que nous arrivons trop tard pour le premier groupe, et que la dernière fois que j’ai fait l’erreur de foutre les pieds dans le pit de la Machine du Moulin Rouge sans être chaude, j’y ai laissé un nez et un coude. Je n’attends pas les mecs, je me pointe directement au premier rang comme la plus avide des amatrices de violence. Un espace inoccupé trône au centre de la salle, attendant les premiers mosheurs. Pas un pélo n’a l’imprudence de l’occuper, surement peu désireux de se faire remarquer avant le début des hostilités.

Si la tempête avait un nom, elle s’appellerait Hostie de Calisse, et s’incarnerait dans le Rotting Idols des québécois. Le père Lagacé n’est pas venu ce soir disserter philosophie, il réclame du sang dans le pit, un fluide que nous sommes bien disposés à lui offrir comme un sacrifice aux saintes figures du Hardcore. Les membres humains volent en tout sens, les audacieux tentent leurs plus beaux saltos sans même espérer être rattrapés en bout de course, je danse furieusement en évitant soigneusement les circle pits.

Faith Reaper, les paroles me viennent aux lèvres aussi naturellement que le headbang à la tête, un camarade de jeu arrive à esquiver mes coudes, mais pas mon crâne. Je sens le claquement sec familier d’un émail dentaire qui se désolidarise de sa racine. Il en est quitte pour se faire recoller deux bouts d’incisives, et je m’en excuse platement. Voila longtemps que je n’avais pas ressenti la culpabilité d’avoir condamné quelqu’un à la soupe. Le frontman saute dans le pit une première fois, aussi avide de chaleur humaine et de salade de phalanges que son public.

Le groupe n’omets pas de rappeler à chacun ses valeurs, incluant l’anti racisme et l’anti sexisme. Des paroles qui font du bien après la série de trahisons découverte au sein de la scène. Oui ROTN, je n’oublie pas que vous avez brisés mon cœur. Il y a d’ailleurs pas mal de femmes dans le pit qui n’hésite pas à faire goûter alentour la saveur de leur sueur et la fermeté de leurs poings, ça me fait rudement plaisir de voir que ça évolue positivement.

Deathbound. Rob Watson vient faire son featuring en faisant fi de la tradition qui veut que les musiciens de la tête d’affiche ne se montrent pas avant leur passage. Ce nouveau titre passe admirablement bien l’épreuve du live, poussant quelques fans de Lionheart à rejoindre la mêlée pour communier au plus près de leur égérie. La fosse redouble d’intensité, c’est Mogadiscio un jour de livraison de bouffe en 1992. Puis s’amène l’enchainement Blackened Sun / Cold Hearted. Le père Lagacé vient de nous grimper sur les bras pour brailler au plus près de nos oreilles. Je peux témoigner en première main qu’il ne fait pas l’erreur de négliger le bas du corps à la salle.

Il y a de la bravade dans sa manière de réclamer le combat, et de l’inconscience dans ses exigences de snake pit. Poussés par l’envie de lui faire plaisir, les plus téméraires prennent tous les risques, et les plus grosses blessures ce soir seront dues à des retombées aussi spectaculaires que douloureuses. Mais on ne peux pas reprocher au frontman de ne pas donner l’exemple : lui même subira une chute magistrale, dont il se relèvera avec panache. Le seul reproche que je pourrais faire à Get The Shot, c’est de ne pas passer assez régulièrement sur le sol de France.

SETLIST GET THE SHOT

  1. Rotting Idols
  2. Divination of doom
  3. Faith Reaper
  4. Deathbound
  5. Blackened Sun
  6. Cold Hearted

Qui a déjà fait un pit de Terror sait qu’on est sur une catégorie de mosheurs d’un gabarit hors compétition. Le gras est aussi présent que le muscle, ce qui rend la zone moins explosive mais les gnons plus lourds, et les slameurs plus douloureux à rattraper. Les hématomes fleurissent sur ma peau aussi nombreux que les pissenlits au printemps. De gros faisans croisés phacochères se rentrent dedans sous des déluges de sueur rance, excités par les encouragements du père Vogel, qui, s’il ne se déplace plus avec l’agilité du cabri, sait encore soulever les foules entre deux rires gras.

Gaël était allé à la salle avant de venir. Quelle erreur. Aucune séance de crossfit n’est comparable à 45 minutes de collisions de viande faisandée dans une étuve. On pourrait faire les choses simplement, se donner des accolades amicales, mais avec Terror c’est toujours le chemin le plus difficile qui est favorisé. C’est presque une insulte de ne pas souffrir d’une quelconque contusion ou d’une commotion cérébrale après l’un de leur concert. J’ai vu des mecs s’écraser au sol tête la première, avant d’être digéré par la foule. Et je les aient vu se relever heureux comme des princes.

Pour ma part, terminé les stage divings en série depuis leur passage au Gibus où j’avais du faire le deuil de mon coccyx. Mais je m’accorde toujours ce plaisir unique pour la der, Keepers of the Faith, comme une ultime prise de risque euphorique entre deux shots d’adrénaline. Ce titre est la preuve ultime qu’un grand groupe mélodique se cachait derrière les américains, s’ils avaient eu d’autres ambitions que de casser des bouches. Ce n’est pas la voie qu’ils ont choisie de suivre. Une fois de plus, la messe est dite.

SETLIST TERROR

  1. The 25th hour
  2. Overcome
  3. Pain into Power
  4. Stick Tight
  5. Spit my Rage
  6. Always the Hard Way
  7. Can’t Help but Hate
  8. One with the Underdogs
  9. Keep your mouth shut
  10. Keepers of the Faith

Pause de fin de set. On discute tranquillement avec Anthony, quand soudain ses yeux s’exhorbitent sous l’effet d’une surprise mal dissimulée. Derrière nous, un gus lèche les seins de sa copine au centre du pit, dans le plus grand des calmes. Ah d’accord. Je ne pensais pas voir ce genre de scène en dehors des shows de glam ou d’obscurs groupes de porno grind. Mais l’être humain est visiblement plein de ressources.

Je connais mal Lionheart, et ce n’est pas leur nom sur l’affiche qui a motivé ma venue. C’est pourquoi après presque 1h30 de réjouissances musclées, je décide de prendre de la hauteur pour regarder le spectacle. Rob Watson est de cette nouvelle génération de coreux propres, bien coiffés et bien sapés, qui prouve qu’on peut se bagarrer sans abdiquer un certain sens de la classe.

Oui, la violence n’atteindra jamais les niveaux de débilités des deux groupes précédents. Oui, leur public est d’un gabarit plus léger. Mais diable, le pit n’a pas a rougir, et sa beauté est démultipliée vu d’en haut. Un punk ne cesse de grimper sur scène pour faire du karaté dance style. Je trouverai toujours ça absurde et ridicule, mais je dois avouer qu’il donne tout. Tellement qu’il est passé à deux doigts de coller une beigne au guitariste. Une zoulette monte sur la scène avec son petit sac à main pour aller emmerder les musiciens. Un roadie la jette manu militari, aussi conscient que nous de ses intentions douteuses.

A un moment, je n’ai pas tout suivi : les mecs incite les gens à se foutre torse nu et à faire tourner leurs t-shirts. J’ai cru que je m’étais perdu dans une dimension parallèle où Patrick Sébastien aurait monté son projet de core. Apparemment c’est un gimmick habituel du groupe. Remarque, ça à le mérite de l’originalité pour un groupe américain. Et ça fait exploser le taux de bromance dégoulinante dans le pit. A un autre moment encore, les mecs font un titre en hommage à la Vierge Marie. Je ne les savais pas si pieux. Ni la mère du petit Jésus si prompte à soulever les pits. Ca aurait une autre gueule les crèches vivantes de Noel si on y passait du Hardcore. On m’y verrais probablement plus souvent aussi. Et pour finir une reprise des Beastie Boys pour faire la fête autant que la bagarre. Ca me plait.

Cependant un retour des plus épiques et aléatoire en banlieue d’une durée de cinq heure incluant métro, bus, pieds me fera dire ceci : jouer les bons samaritains c’est de la merde. Mettez vous des gnons plutôt.

SETLIST LIONHEART

  1. Cali Stomps
  2. Burn
  3. Death come in 3s
  4. Trial by Fire
  5. Vultures
  6. Keep talkin’
  7. Hail Mary
  8. Live by the gun
  9. When i get out
  10. Still bitter, still cold
  11. Born feet first
  12. Lock jaw
  13. Love don’t live here
  14. (You gotta) fight for your right (to party)
  15. LHHC

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