HELLFEST 2015

19, 20 ET 21 JUIN 2015. CLISSON. PASS 3 JOURS : 197 EUROS.

JEUDI

Le Hellfest fête ses dix ans cette année et les organisateurs ont mis le paquet pour l’occasion. Cependant c’est l’affiche qui m’enjaille comme jamais avec pléthore de Hardcore et de Néo-Metal pour cette édition 2015 ! Et comme l’année passée je pars en compagnie de Tank auquel s’est greffé Yannick et au moins 100 kg de bagages combinés dont je ne revendique qu’un sac Eastpack et une tente. Qu’ouïs-je ? Mais oui, c’est le cliché qui attribue aux femmes l’accumulation de fringues et objets inutiles qui s’effondre !

C’est moi qui conduit cette fois et c’est ma pauvre Kacahuète qui supporte nos poids conséquents avec des pneus et des bougies changés la veille. Pour autant elle ne peux monter au-delà de 110 km/h sans haleter et comme on est pauvre, on prend la décision de se la jouer routes départementales. Remarque cette option n’est pas plus mal pour me tenir éveillée, doublée d’une playlist toujours aussi Néo à base de Korn, P.O.D, Disturbed

Partis à 9h30 on se gare au Clisson de Leclerc à 15h. Mais avec l’ouverture surprise du Red Camp la veille, impossible de créer un camp culteux au White comme l’année passée, car tout le monde est déjà dispersé. Yannick et moi tournons en rond à la recherche d’une petite place pour nos tentes, mais le camping dégueule de monde. On finit par se poser derrière le stand breakfast à l’exact confluent des Blue, White et Green Camp, ce qui s’avérera le pire choix stratégique possible. Sanctionné par quatre nuits blanches et couronné par une infinité d’anecdotes. Après un passage éclair au Leclerc pour remplir les stocks de briques de jus de fruit et prendre un sandwich on arrive au Metalcorner où j’ai loupé de peu Kause 4 Konflikt que je ne voulais pas rater.

Yannick nous traîne devant Heart Attack, le groupe lauréat du Headbangue Contest. Des soucis de balances retardent considérablement le début du set ce qui vaut une vague de huées aux musiciens. Vite transformées en ovation amplement méritées après un concert qui s’apparente à une baffe sonore. Mickaël nous invite à sa tente pour un apéro franchouillard à base de pain, saucisson, Beaufort et vin rouge agréablement accompagné d’une playlist variété parfaitement inattendue de la part de ses voisins. Un anglais s’introduit soudain dans le auvent où nous sommes en train de ripailler. Il est à la recherche de weed. Désolé jeune homme, ici on est plus raffinés comme tu peux le constater ! Et c’est sur ce moment de partage bien français que Yannick et moi retournons à nos tentes en priant pour réussir à dormir.

VENDREDI

Il en est des prises de conscience comme des premières fois : certaines sont plus douloureuses que d’autres. Il est 8h30 et ça fait à peu près 6h que je maudis notre choix d’emplacement. Je sens que le week-end va être difficile. Pour ne rien arranger il fait une chaleur à éradiquer les manchots. Cette année j’ai minutieusement sélectionné mes accessoires de fest pour un look guerrière décontractée : veste en jean sans manches, pantalon cargo, keffieh bleu anti-poussière et anti-insolation, lunettes de soleil, cornes de diables et mes éternelles peintures de guerre criant à la face du monde que je ne suis pas là pour effeuiller les marguerites.

D’entrée on se mange une heure de queue en plein cagnard pour accéder à la zone de concerts, ce qui nous laisse tout le loisir d’admirer les nombreux détails de la nouvelle cathédrale et de se lamenter à l’idée de louper Breakdust. A quoi ressemblent les investissements matériels en 2015 ? Un bar voiture-scorpion de toute beauté pour mettre en valeur les nouvelles tentes séparées Altar / Temple. Des bancs ossements et scolopendres, des poubelles immaculées en forme de crânes posées sur une belles étendue d’herbe verte et grasse… Et un décors de mainstage tellement hideux que s’en est désolant vu la qualité du reste. Mais surtout, surtout : qu’est-ce que c’est que ces écrans géants VERTICAUX ?! Qui a soufflé cette idée de merde ?! Je croyais que c’était tacitement interdit au même titre que la police Comic sans MS !

C’est pas tout ça mais avec leurs conneries je risque de manquer mon rendez-vous annuel à la Warzone. Et ça tombe bien c’est Lion’s Law qui ouvrent. Et vous savez quoi ? C’est toujours aussi bon. En revanche l’herbe qui couvre le pit semble dissuader la faune locale de s’essayer aux mouvements de foules pour l’heure. Heureusement dès le lendemain elle ne sera plus qu’un mauvais souvenir remplacé par un champs de boue et de poussière. Le son misérable de Midnight Ghost Train m’oblige à me replier vers les mainstages au bout de deux titres. J’assiste à la fin d’un No Return plutôt sympathique et au début de Vulcain avant d’estimer qu’il fait trop chaud et trop faim pour rester au soleil. J’embarque ma vieille amie la barquette de tartiflette vers la Altar dans l’idée de voir Primate. Mais ceux-ci ont été remplacés au pied levé par les belges de Leng T’che dont le frontman a abandonné toute notion de finesse : « Ceux qui voulaient de la tendresse se sont trompés d’adresse » parce que « on est pas ici pour comparer nos zizis ».

Musicalement ça me plait, et puis la tartiflette à toujours meilleur goût au son de la poésie Grindcore. On enchaîne comme toujours par une pause digestive à la Temple devant les corpsepaint d’Enthroned. C’est ensuite la bande de bouseux de Truckfighters qui rameutent tout les hippies du coin, mais le son sous la Valley est toujours aussi infâme. A croire que le corps humain défoncé réverbe mal le son. Ou alors c’est que même les ingés son planent à la recherche du lapin blanc. Toujours est-il que je rebrousse rapidement chemin vers la mainstage dans l’optique d’aller me placer pour Godsmack. En chemin la curiosité me pousse à m’arrêter quelques instants devant le nouveau skate park en forme de croix. La curiosité est vraiment un vilain défaut. Le spectacle fait peine à voir : là où sont censés se produire des professionnels je ne vois que des branquignolles infoutus de réussir une seule figure en vingt minutes sous les regards amorphes de quelques festivaliers et sous les commentaires insupportables d’un animateur rasta. Si ces mecs sont réellement des pros ce ne peux pas être autrement qu’avec une manette entre les mains devant Tony Hawk Pro Skater. Et encore. La tristesse.

Avec un supplément déception dû au chant incroyablement faux de Sully Erna et à des titres qui ont perdus leur dynamisme d’origine. Heureusement qu’il reste le pit pour deux walls of death et mon premier slam du fest. Puis c’est le retour à la Temple pour Melechesh, que j’attendais mais auquel je n’accroche pas vu les conditions. Dying Foetus balaie tout sentiment de frustration par une claque technique dans la catégorie « branlée monumentale ». Et il est déjà l’heure d’aller voir Motorhead et le père Kilmister. C’est un moment d’une infinie tristesse. J’ai l’impression d’assister à un naufrage. La musique est jouée sur un tempo plus lent et si le son n’est pas mauvais le niveau de décrépitude atteint par Lemmy est affolant dans les détails : le tremblement convulsif de ses mains quand il change de basse, la maigreur maladive de son visage, son air hagard, la difficulté qu’il a à s’adresser au public (Phil Campbell doit terminer toutes ses phrases)… L’empereur pustuleux fait pitié. Et ça me fait mal de le dire.

Lamb of God arrive à nous faire oublier ça en l’espace d’un morceau : quelle patate le Randy Blythe ! J’en pardonne sa coupe de cheveux de beatnik parce que le pit vaut la mandale. Et je constate avec étonnement que j’ai beau ne plus avoir écouté l’agneau depuis le collège, tout les titres sont restés gravés dans ma mémoire. C’est un plaisir sans nom de taper le slam sur Laid to Rest. Une authentique piqûre nostalgique ce concert ! En sortant du pit je trouve un médiator très abîmé de Devin Townsend. Mais l’artiste n’est pas présent à l’affiche cette année. Suis-je tombé sur le précieux souvenir d’un fan égaré dans la fosse, ou l’alien Ziltoid était-il parmi nous durant Lamb of God ? Je n’ai pas la réponse. Mais j’ai envie de pisser par contre. C’est pourquoi je prend la direction des toilettes de la Temple / Valley.

Tout à coup je prend un coup de massue surprise entre les deux yeux. Cradle of Filth joue Nymphetamine. Putain, Dieu et toutes les personnes présentes m’en soient témoin, c’était bon ! Le groupe traîne depuis dix ans la réputation d’être une bouse en live, raison pour laquelle je n’ai pas voulu les mettre à mon programme, et voila que c’est en réalité excellent ! Au point que la Temple n’est pas assez grande pour accueillir un public nombreux aussi bouche bée que moi. Ce fut l’uppercut nostalgique inattendu. Tant pis pour Alice Cooper du coup. Puisqu’on est là autant chopper le premier rang pour Satyricon tout de suite. Et c’est à cet instant que je regrette l’ancienne configuration en Y des lieux parce que j’aurais pu voir jouer Children of Bodom en attendant.

Enfin les norvégiens s’amènent pour mon premier concert de Satyricon, un autre groupe pour lequel mon amour remonte au collège. Décidément, c’est la journée. Satyr transpire la classe par tout les pores malgré son torse dessiné de puceau imberbe dévoilé par une chemise délicatement ouverte (je n’en reviens pas d’avoir écrit ça). Le set est parfait. Les musiciens font preuve d’une grande spontanéité et le frontman se révèle humble et accessible ce que je n’imaginais pas vu le genre et la popularité du groupe. Le concert me laisse une impression de magie. Je pense que je suis entrée en transe pendant 1h. C’est clairement l’un des meilleurs que j’ai fait et pourtant je ne me souviens que de peu de détails.

Pour la suite mon cœur hésite entre Shining et Slipknot. J’ai cependant déjà vu les deux formations au début de l’année. A qui allais-je donner la préférence entre les américains dont la musique viscérale a laissé une empreinte indélébile dans ma vie et qui font dans le spectacle visuel, et les norvégiens découverts récemment mais tout aussi allumés et grandioses dans un autre registre ? Je résous ce dilemme de manière logique : Slipknot va attirer 80% du public tandis que Shining, inconnus au bataillon, risquent de jouer devant une foule clairsemée. Et puis je suis déjà sur place et au premier rang. Ainsi qu’une poignée de fans, dont Jésus et Scrat, de loin ma meilleure rencontre toutes éditions confondues ! Les mecs sont déjantés, on fait des duels de Shi-fu-mi, ils essaient de m’apprendre d’autres jeux aux règles étranges sans succès, et ils chantent des paillardes de leur invention dont « Je veux juste un dernier fist » sur l’air de Dernière danse, « La masturbation dans un cubi de vin » et un rap vulgaire de haute volée.

Scrat s’endormira sur la crash barrière tandis que Jésus et moi dansons ensemble. De nouveau Shining balance un set de haute volée blindé de passages au saxo sur lesquels on retient littéralement son souffle. Devant l’enthousiasme dont on fait preuve ils décident de nous jouer trois nouveaux morceaux de l’album en production. Et ben je peux vous dire sans hésitation qu’il est parti pour être le meilleur de tous ! Encore plus de saxophone, plus de passages chantés, fuck yeah ! C’est le second meilleur concert de la journée. Pendant que les roadies démontent la scène Scrat leur fait des blagues en anglais qui les font marrer, notamment la géniale « Why Immortal don’t need any shower ? Cause they have a bath ! ». Vous l’avez ? Tandis que mes deux compères vont se coucher je file assister au dernier titre de Slipknot.

Surfacing. Je ne peux m’empêcher d’avoir un pincement au cœur à l’idée de ce que j’ai loupé. En plus les jets de flammes étaient de sortie. Ma dernière vision du vendredi sera Sid accroupi toutes dents dehors tandis que Til We Die résonne en guise d’outro, me foutant les larmes aux yeux tandis que je repars au camping au milieu d’une foule compacte. Putain de running order.

SAMEDI

6h du matin. Un espagnol hurle à la recherche d’un compatriote. Nos voisins qui ne sont toujours pas couchés lui apprennent à dire « Je. T’encule. Bien. Profond ». Ça fait trente minutes que ça dure. On en est quitte pour se lever. Bordel, il fallait que ça tombe sur ma journée Warzone, celle pour laquelle le sommeil est primordial avant la bataille. On déjeune plus tranquillement que l’on a dormi. Je vais voir Dr Livingstone avec Mickaël et Yannick. Le groupe fait du Mordor Metal, avec des musiciens habillés en rois-sorciers du seigneur des anneaux. Les deux chanteuses offrent des infinités de variations vocales. 11h30, c’est l’heure de la tartiflette. Que je vais m’enfiler au calme au milieu de la fosse de Cock and Balls Torture. Les gars de Benighted debout à côté de moi me regardent avec des yeux ronds. Ba quoi ?

Il est temps d’aller voir ce que valent les Butcher’s Babies. Et bien les nanas ne sont pas qu’un physique, elles envoient bien et distillent une bonne humeur Rock’n roll. Une découverte sympa, suivie d’une autre qui l’est tout autant : Motionless in White. Les mecs ont une tronche d’émos gothiques mais jouent une musique assez Indus qui me fait fortement penser à Deathstars. J’ai une pensée pour ma cousine Emma qui les adore et lui envoi un message via ma tante. Mais du coup je ne comprend pas l’étiquette Metalcore qui leur est accolé, je n’ai rien entendu de tel.

Les choses sérieuses commencent maintenant, car il est l’heure de rejoindre ma bonne vieille Warzone (qui m’avait manqué depuis 2013, l’édition 2014 ayant été assez pauvre en Hardcore). C’est Vitamin X qui ouvre le bal de la violence, quoique je ne rejoindrais pas le pit avant le soleil déclinant de 16h. Parce que bon, il tape assez fort pour faire cuir un œuf au plat sur les boucles de ceintures des keupons (pas des coreux, ceux là sont en shorts). Peu de groupes portent aussi bien leur nom que Vitamin X qui foutent la fosse s’en dessus dessous avec une bonne humeur authentique. Ballons de plage, dauphins et crocodiles gonflables volent en tout sens, servent d’armes ou de montures aux slamers et sont vite rejoins par des poignées de paillettes et de confettis. C’est du grand n’importe quoi, même les Challengers se marrent ! Un très bon souvenir ce concert. A la fin du set je profite que tout le monde se barre pour m’allonger à l’ombre des crashs barrières (et non des palissades latérales : les habitués savent qu’elles sont la pissotière principale de la zone).

Après une courte sieste réparatrice il est temps de se relever pour voir ce qu’ont à proposer les portoricains de Merauder. Verdict ? Ils envoient les salauds ! A la fin du set je retrouve mon équipe de Challenger préférés. J’ai donné un surnom à chacun d’eux : Loches, blue sky, le patron, le parrain, bandana tribal, le bleu… Ils sont toujours aussi cool et me le prouverons une fois encore à 2h du matin après Biohazard. En attendant c’est les très polémiques français de Rise of the Northstar qui doivent enchaîner et j’ai de très grandes attentes à leur sujet. L’opinion est très polarisée à leur encontre : soit on adore, soit on déteste. Pas d’avis entre-deux. Et dès le premier morceau je sais comment me positionner et le dit clairement : je surkiffe ma race ! Alors oui leur réputation de posers racailles est justifiée mais j’estime que ça apporte à leur personnages de furyos. Et puis musicalement c’est juste ouf, alors je peux pardonner beaucoup de choses. C’est ma plus grosse baffe de l’année. Nul doute que ce concert sera le premier d’une longue série. Affaire à suivre de près pour ce groupe français !

Pour l’heure on attend Terror avec Loches et un inconnu. On se fout gentiment de la gueule d’un mec qui lui demande d’aller chercher Ben Barbaud parce qu’il le connait et qui s’énerve tout seul car il pense qu’on ne le croit pas. Si on l’écoute il connait tout le monde, ROTNS, les vignerons du coin, les mecs du stand EMP…Un grand moment de conversation. Hilarant, d’autant qu’il est peut-être sincère, mais tellement lourd… Terror s’apprête à monter sur scène sans Scott Vogel, retourné chez lui en raison de problèmes de dos. C’est donc le bassiste David Wood qui assure le chant puisque les américains ont pris la décision de maintenir leur venue. Mais comme il n’a probablement pas eu le temps d’apprendre assez de morceaux, et le set est ramené à vingt courtes minutes. Et puis j’ai trouvé le public un peu mou pour du Hardcore. Ça bougeait mais ça manquait d’agressivité. Compréhensible remarque, vu la situation. A revoir dans de meilleurs conditions.

Le gros du dossier du samedi, c’est le groupe suivant : Body Count. 19 ans sans foutre un orteil en France, autant dire que Ice T est attendu comme le prophète du Rapcore. La Warzone est tellement blindée qu’une vague de protestation de fans dégoûtés qui n’y ont pas eu accès balaie les réseaux. Et moi je suis plantée au premier rang au centre, seule nana visible à première vue. Pour changer. Avantage : je suis désignée d’office Bitch in the Pit. Inconvénient : c’est douloureux. Body Count c’est une raclée sonore et physique. La foule est hystérique. Par contre je trouve l’attitude d’Ice « Motherfucking T Bitch ! » risible. Enchaînement de poses gangsta, Fuck the Police et autres Cops Killer, pour un mec qui joue un détective dans NCIS c’est d’une crédibilité proche du zéro absolu. Heureusement les musiciens ne sont pas du tout dans ce genre de délire. A commencer par le fils qui fait les back vocals.

Les Challengers ont tous enfilés une casquette Body Count pour la durée du set et à la fin, ce sont eux qui récupèrent tous les médiators. Et les gardent intégralement pour eux. Fuck. Enfin pas le temps de se lamenter, Madball enchaîne rapidement, il est plutôt temps d’affûter ses réflexes. Evidemment, ça à la puissance d’une division blindée face à une armée de fantassins munis de cuillères… C’est nous les fantassins. On prend baffes sur baffes, Freddy Cricien a un charisme insoupçonnable sous sa tignasse. Qui se révèle bien moins affreuse en vrai qu’en vidéo, et oserais-je dire ça lui va même plutôt bien. C’était l’instant critique capillaire. Parmi les nouveautés Doc Martens Stomp s’annonce déjà comme un futur pilier de la discographie. Inutile de préciser que le pit est une boucherie. L’essai est transformé. Pourtant un dernier groupe doit encore fouler les tranchées de la Warzone, et non des moindres : Biohazard. J’étais alors loin de me douter que ce concert serait l’un des meilleurs de mon existence.

Tout commence par une attente rendue moins longue par des discussions entre voisins en cette belle nuit de juin. Ensuite les américains débarquent, foutent le s’beuh, le public est chaud, bref, un excellent concert comme prévu. Puis Billy Graziadei décide d’offrir deux t-shirts aux deux premiers fans à réussir à monter sur la scène. Monumentale erreur. Menant à un moment non moins monumental. Légendaire même. Tout le monde se précipite sur la scène, moi la première. Le temps de sauter la barrière la sécurité a barré les accès comme elle pouvait sous le raz-de-marée humain. Qu’à cela ne tienne, je demande à un mec de me faire la courte échelle. Et c’est ainsi que je me retrouve aux côtés de Graziadei tandis que toute la scène est envahie sous les regards ahuris puis hilares des musiciens. Trois morceaux passent ainsi alors qu’on pogote et même slam sur la scène. Resist, Love Denied et un petit jam alors qu’on nous vire à coups de pied au cul.

Je retrouve mon premier rang pour la fin du set, des étoiles pleins les yeux. Mais ce n’est pas fini, oh non ! A la fin de leur show les mecs descendent serrer les mains du premier rang. Mais comme je suis une femme tout le groupe se penche pour me faire la bise. Je répète : les légendes vivantes de Biohazard m’ont fait la bise comme si j’étais une de leur pote ! Putain la classe. La fierté. Tu penses que la soirée ne pouvait pas mieux finir ? C’est sans compter le billet de vingt euros que je trouve dans la poussière du pit à mes pieds tandis que la foule commence à se disperser. A ce stade je me dit que c’est mon putain de jour de chance. Quand tout à coup j’entend les Challengers me héler. Ils veulent récompenser ma pugnacité de la journée dans la Warzone, eux qui avaient pariés que je ne tiendrais pas jusqu’au bout.

Loches m’offre un des médiators de Body Count. Je lui saute au cou, folle de joie, lui claque un baiser sur la joue, le cœur battant à cent à l’heure. Je dois encore remercier chacun d’entre eux pour leur taf irréprochable, leur gentillesse et leur badasserie ! Ouais je chiale à ce moment là, mais putain si ça c’est pas une journée absolument inoubliable je ne sais pas ce qui pourrait en être une ! C’est sous l’emprise de l’euphorie et d’une authentique crise de danse de la joie que je rentre sans un regard vers Marilyn Manson sur la mainstage. Je rejoins Mika et Yannick au camp qui m’aident à nettoyer autant que possible le billet que j’ai trouvé. C’est sur ce blanchiment d’argent sale que se conclut cette journée entrée dans la légende.

DIMANCHE

Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas réussi à dormir cette nuit. Sont-ce les pétards lancés par un groupe de crétins avinés ? Les mecs ivres qui chantent une version Metal dégueulasse d’It’s a Small World ? Les mercenaires hurlants « Spartiates, quel est votre crêpier ? Wahou ! Wahou ! » ? Le connard qui beugle toutes les heures « Il est 5h du matin et tout vas bien ! » ? Ou encore l’escouade d’enculés qui patrouille entre les tentes en scandant « Respectez le sommeil des autres ! » ? Nul ne le saura. Toujours est-il qu’il est 10h40, que je suis fraiche comme un cadavre de deux semaines et que je sais que je vais louper Hypno5e. Je constate aussi que j’ai les jambes en miettes et couvertes d’hématomes gros comme, je sais pas, disons des pointures 43. Et une énorme brûlure de frottement sur l’intérieure de la cuisse droite. Il fait une chaleur à crever, je sens que je vais passer une bonne journée.

Benoîtement j’enfile une robe blanche. Grave erreur à deux égards : ça aggrave ma brûlure, et je ne le sais pas encore, mais les anglais arrivent. Pour l’instant j’essaie mollement d’ouvrir les yeux devant Tribulation avant de me diriger vers The Great Old Ones. Les bordelais souffrent d’un son pire que mauvais. J’ai beau me déplacer d’un endroit à l’autre, le mix reste constant dans le sale. Impossible de distinguer les lignes de grattes, ce qui est con pour un groupe qui puise son originalité dans ses trois guitaristes. J’abandonne devant l’ampleur du désastre. The Haunted n’entrera pas dans mes annales, je rejoins donc le pit de Red Fang. Et c’est la catastrophes, les contractions préludant à l’arrivée du flot de règles se manifestent. Je suis en robe blanche, il faut faire vite. Et quoi de plus rapide qu’un slam ? Tout le monde aura probablement vu ma culotte à travers l’écran géant mais je m’en branle, j’ai peu de temps pour aller me changer avant Hollywood Undead. Un bisous au Challenger rouflaquettes et je file. Et oh, Red Fang c’était cool.

Je suis ravie de revoir Hollywood Undead mais personnellement je ne les auraient jamais programmés au Hellfest tant leur style est éloigné du Metal pur et dur. D’ailleurs il y a plusieurs mineurs devant la scène arborant un bracelet journée. Ils ont du venir juste pour eux. Maintenant je suis en treillis et débardeur et je peux enchaîner les slams et voir un mec en fauteuil roulant être baladé à bout de bras. La setlist comprend beaucoup de titre du nouvel opus, un choix pas terrible pour un court set de festival. Ça manque de classiques. Et les nouveaux masques sont encore plus laids que les anciens. Mais si, c’est possible ! En principe il serait l’heure du déjeuner mais vu la chaleur je fais une infidélité au stand de tartiflette pour goûter aux glaces trois boules avec des parfums aussi exotiques et adaptés que rhum-cassis, citron-vodka, poire-tequila … Et ensuite droit à la Warzone avant que les bretons des Ramoneurs de Menhir ne forment un bouchon à l’entrée.

Les indépendantistes souhaiteraient commencer plus tôt vu qu’ils sont prêts mais l’orga refuse. Je tape la bise à tous les Challengers qui me ravitaillent en eau. Le côté militant des Ramoneurs est ultra relou mais la musique déboîte. Avec la chaleur écrasante je vais quand même régulièrement m’allonger entre deux slams et pogos. Et c’est pas faute d’avoir adopté le mode taliban, la tête entourée de mon keffieh. C’est dans l’un de ces instants de repos que je me fais enjamber par une escouade de gendarme à la recherche de pickpockets. Vous connaissez beaucoup de gens qui se sont fait passer dessus par des gendarmes ? Moi non plus.

Partie voir Eyehategod je ne reste pas longtemps, vaincu par le son de merde de la Valley. Je pense enchaîner avec Alestorm mais la Temple est déjà blindée. Solution made in Helene : je vais me percher sur le pylône qui soutient l’écran géant de la Altar. C’est de là que j’observe le concert des pirates dont la fosse est plus fun et intéressante que la musique. Puis Cannibal Corpse vu que je suis si bien placée. Son comme technique, il n’y a rien à reprocher, mais scéniquement c’est pauvre et on se fait vite chier. Je ne reste que la moitié du set puisqu’il me faut retourner en Warzone pour The Exploited. Les punks offrent le pit le plus redoutable auquel j’ai participé avec ses punks obèses ivres de 45 ans. Encouragé par l’exemple de Biohazard la veille, les anglais ne veulent pas faire moins bien et Wattie Buchan invite les plus motivés à monter sur scène pour chanter Sex & Violence. Ça, c’est le genre de truc qu’il n’est pas nécessaire de me dire deux fois.

Me revoilà sur la scène de la Warzone en train de gueuler le refrain puis me faire offrir une bière par Stix , le batteur. Les punks sont heureux, ils qualifieront le concert sur Facebook de « Brilliant ! » et « Really fuckin mega gig was so much fun ! ». Je répète pour les trois dans le fond qui n’auraient pas compris : JE SUIS MONTÉE SUR SCÈNE AVEC THE EXPLOITED ! Puis n’ayant pas été mise au courant de l’avancement du set de NOFX sur le créneau laissé libre par l’annulation de Rise Against, je les loupe. Putain ! Volte face vers la Valley pour attendre Superjoint Ritual dans les premiers rangs. Je suis entourée d’anglais. Comment les identifier à coup sur après plusieurs minutes d’observation ? Ce sont les seuls qui portent des baskets au beau milieu d’un festival de Metal.

Au bout d’un titre et demi du groupe du père Anselmo je décide que je préfère jouer moi aussi au milieu du pit. Tellement plus fun. Mais douloureux. Mais fun. Mais putain de douloureux. Parce qu’il y a encore deux heures je pensais que c’était The Exploited le pit le plus violent que j’avais fait. Ah ! Que je fut naïve ! Qu’est-ce qui est pire que des vieux punks obèses bourrés ? Des vieux rednecks de 100 kg défoncés. Philou fait l’andouille sur scène, nous montrant ses piètres compétences de batteur. Il semble un poil moins beurré que d’habitude. Le concert est légendaire avant même d’avoir commencer puisqu’il s’agit du premier concert de Superjoint Ritual hors des Etats-Unis et du deuxième de toute leur longue carrière. Tout l’album Use once & Destroy sera joué. Je tiens le coup Dieu seul sait comment, mandales après mandales, les jambes tremblantes et la lèvre éclatée me suintant des filets de sang dans la bouche tandis que le père Anselmo émaille le set de blagues. La meilleure ? « Qui aime Megadeth ici ? ». 70% du public gueule son assentiment, ce à quoi il répond « Oh, vous craignez ». Je plussoie. Et je survis en me disant que c’est Superjoint Ritual, c’est trop rare pour faire la chochotte. Je m’autorise néanmoins un slam en guise de bouquet final, après avoir brisé le nez d’un mec d’un coup sec sur un impact de tête involontaire. Sorry guy !

SETLIST SUPERJOINT RITUAL

  1. Oblivious Maximus
  2. It Takes no Guts
  3. Everyone Hates Everyone
  4. The Introvert
  5. 4 Songs
  6. Antifaith
  7. Drug your Love
  8. Little H
  9. Haunted Hated
  10. Creepy Crawl
  11. The Alcoholic
  12. Fuck your Enemy
  13. Ozena
  14. Wainting for the Turning Point
  15. Superjoint Ritual

Anecdote dont je suis éminemment fière : un américain m’aborde à la fin du set pour me dire « I’ve made a lot of Phil Anselmo’s bands gigs in my life and you’re the firts woman i saw in the pit ! ». Je suis touchée. Ainsi s’achève une édition 2015 qui aura surpassée toutes les précédentes dans mon cœur, sur le concert le plus fracassant de ma jeune vie. Pourtant le plus dur reste à venir : 7h de conduite après une nuit sans sommeil, Tank et Yannick ayant tellement la gueule de bois qu’ils ne peuvent alterner avec moi. Le tout avec des tibias tellement douloureux que j’ai la sensation de sortir perdante d’un championnat de béquilles et de petit pont massacreur. Joie et tendresse.

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